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Les fouilles de l’ULB dans les carrières romaines de Cavallo (Corse) : de belles découvertes en 2023 !

Publié le 15 novembre 2023 Mis à jour le 15 novembre 2023

Une équipe du CReA-Patrimoine de l’Université libre de Bruxelles, dirigée par Sébastien Clerbois, a mené une campagne de fouilles en octobre 2023 dans les carrières romaines de granite de Cavallo (archipel des Lavezzi, Corse-du-Sud). La fouille – fait rare – a permis de comprendre la vie quotidienne au sein des carrières : elle a notamment révélé un sanctuaire de plein air dédié à Hercule, ainsi qu’un bâtiment abritant la forge aménagée pour réparer les outils nécessaires à l’extraction et la taille de la pierre.

Menée avec l’autorisation et le soutien du SRA et de la DRAC de Corse, l’opération archéologique s’est déroulée du 7 au 21 octobre 2023. Elle a été effectuée par une équipe du CReA-Patrimoine (Sébastien Clerbois, Professeur à l’Université et Nicolas Paridaens, archéologue attaché au CReA-Patrimoine) et de PANORAMA (Henry-Louis Guillaume) de l’ULB, associée à des fouilleurs bénévoles, des étudiants en archéologie, avec le soutien logistique de l’Association Archéologie & Patrimoine en Corse, de l’ASIC et de la Mairie de Bonifacio.

D’importantes carrières de granite, plus exactement de granodiorite, ont été implantées par les Romains dans l’île de Cavallo et son îlot satellite de San Bainzu, au sein de l’archipel des Lavezzi, en Corse-du-Sud, dans les Bouches de Bonifacio (FR). Elles font l’objet depuis 2016 d’un programme de recherche destiné à en préciser la chronologie et l’organisation spatiale ainsi qu’à déterminer les points d’exportation. Quelques sondages réalisés en 2019 et 2020 avaient permis de dater de façon préliminaire ces carrières, en activité de la fin du 1er au début du 3e siècle apr. J.-C.

Le granite est une matière très prisée dans l’Empire romain. Elle était surtout utilisée pour produire des colonnes monolithes d’architecture utilisées pour des temples, des colonnades et les portiques des grands édifices thermaux. Plusieurs carrières sont connues, notamment dans le désert égyptien, au Mons Claudianus. Située dans la mer Tyrrhénienne, proche de Rome (environ 120 km), les carrières de Cavallo semblent avoir joué un rôle important dans cette économie du granite.
 



Fig.1 : Premier secteur de fouille : bas-relief représentant Hercule au canthare et l’autel du sanctuaire de plein air disposé à l’avant. Photo : Nicolas Paridaens, CReA-Patrimoine.

 

La mission archéologique de 2023 cherchait à comprendre l’organisation d’une des carrières principales de l’île. Un premier secteur a été ouvert au pied d’un relief, connu de longue date, représentant un Hercule au canthare (fig.1). La fouille a révélé un sanctuaire en plein air aménagé par les carriers : une base de colonne à peine ébauchée a été placée comme autel, en face du buste d’Hercule. La fouille a montré que cet aménagement précède l’exploitation du grand boulder granitique voisin. Le mobilier découvert à cet endroit, de la céramique sigillée, des gobelets en verre et des amphores, témoigne d’une occupation à vocation cultuelle de faible intensité, reflétant toutefois la vie quotidienne au sein d’une carrière sur une petite île isolée.

Le second secteur a été implanté dans le bâtiment imposant (8 x 6 mètres), repéré en prospection en 2019, situé au centre de la carrière (fig.2). Occupant la moitié nord de l’édifice, une forge a été identifié suite à la présence d’une base quadrangulaire interprétée comme un foyer surélevé et d’importants niveaux charbonneux comportant scories et battitures. À proximité, un bloc de roche circulaire pourrait avoir servi d’enclume.  Au milieu de bâtiment (au milieu, à gauche, sur la fig.2), un creusement circulaire est interprété comme un trou de poteau faîtier ayant permis de supporter la charpente. Les fouilleurs ont aussi dégagé le niveau de circulation antique, constitué d’amphores brisées et disposées à plat sur la surface granitique, afin de constituer un sol drainant. La partie occidentale du bâtiment a quant à elle livré d’importants remblais de pierraille destinés à rehausser la déclivité naturelle lors de sa construction.

Malgré l’érosion liée au ressac maritime, la fouille a donc révélé un site archéologique extraordinairement bien préservé, apte à livrer une documentation de première main sur la vie quotidienne au sein des carrières à l’époque romaine. Parallèlement, les chercheurs continuent d’investiguer différents sites archéologiques du monde romain susceptibles d’avoir importé ces imposantes colonnes granitiques, souvent disparues ou remployées dans des édifices postérieurs.

Après une dernière mission d’étude, l’équipe publiera les résultats de ces recherches dans la collection « Études archéologiques » du CReA-Patrimoine, avant… de nouvelles aventures, sur le terrain.

Fig.2 : Second secteur de la fouille : le bâtiment et la forge. Photo : Nicolas Paridaens, CReA-Patrimoine.