Les missions sur le terrain ont lieu deux fois par an, en mai et octobre. La dernière mission qui a lieu en octobre 2023 à Pétra se concentrait sur le culte des pierres dressées en partenariat avec Patrick Michel de l’Université de Lausanne (UNIL). Le projet présentait deux volets : une recherche de terrain ainsi qu’une table ronde qui s’est déroulée à Lausanne en avril 2024 et qui s’intitulait « Entre ancêtres et divinités : études des formes, des contextes d’apparition et d’utilisation des pierres dressées aux Proche et Moyen-Orient, du Néolithique à l’apparition de l’Islam ».
Ces deux aspects de la recherche sont importants, d’une part récolter des données qui peuvent ensuite être discutées avec des collègues internationaux, mais d’autre part « ces collaborations permettent de mutualiser les ressources et les compétences, ce qui est essentiel pour mener des recherches de cette envergure », explique Laurent Tholbecq. L’une de ces ressources était l’utilisation d’une technologie de pointe proposée par l’entreprise suisse Pix4D qui permet de créer des vidéos & images 3D (photogrammétrie) géoréférencées des sites archéologiques : « Nous avons pu obtenir en 48 heures des images détaillées qui nous permettent de mieux comprendre l’organisation des sanctuaires au sommet des montagnes », souligne Tholbecq.
Relevé photogrammétrique du Jabal Madhbah (M. Kurdy/Pix4D)
Cartographier le passé : réinterprétation des espaces
La grande caractéristique de Pétra, comme le rappelle Laurent Tholbecq, c’est que c’est rupestre. Elle a laissé des vestiges vieux de 2000 ans taillés à même la roche, et donc visibles sans fouille approfondie. Le désavantage, en revanche, « c’est qu’il n’y a pas de stratigraphie. À cause de l’érosion naturelle, les sédiments ont disparu et on ne peut pas dater les vestiges », explique Tholbecq. En mettant en parallèle leurs découvertes avec d’autres sites environnants, ils ont pu reconstituer l’état original de ces vestiges partiellement bâtis et tenter d’en préciser l’utilisation aux époques nabatéenne et romaine.
Ainsi, ils ont notamment découvert que les podiums servaient à placer des idoles, des bétyles qui étaient oints avec un liquide, sang d’un animal sacrifié , qui était alors récolté dans des réservoirs en bronze situés sous la surface construite des podiums. Grâce à ce parallélisme, ils ont pu proposer une restitution de plusieurs de ces sanctuaires. L’équipe a également pu proposer une nouvelle chronologie de ces structures, révélant un espace rituel complexe et orienté de sorte que les idoles vénérées reçoivent les premiers rayons du soleil, dans le cadre d’un rite d’insolation des bétyles.
La plateforme cultuelle rupestre du Jabal Madhbah (L. Tholbecq)
De l’importance de la recherche de terrain
Cette mission archéologique illustre parfaitement l’importance cruciale des collaborations internationales et de l’innovation technologique dans la recherche scientifique. Ces travaux enrichissent non seulement notre compréhension de civilisations anciennes, mais ils contribuent également à une amélioration de l’inventaire du patrimoine archéologique. Cette nouvelle cartographie des structures religieuses des hauts lieux de Pétra apporte un éclairage nouveau et extrêmement précieux pour les chercheurs et chercheuses du monde entier et offre en plus de nouvelles perspectives de recherche.
P. Michel (UNIL) et M. Kurdy (IFPO/ULB) relèvent les "Bains" du Centre-Ville (fouilles 1916 et 1968).