Publié le 20 mars 2019 Mis à jour le 10 mai 2021

Conférencier invité et titulaire de la Chaire Verhaegen 2018-2019:

Professeur Eugène WARMEMBOL

Docteur en philosophie et lettres, orientation Histoire de l’Art et Archéologie, Université libre de Bruxelles, avec la plus grande distinction (thèse: Le lotus et l'oignon. L'égyptologie et l'égyptomanie en Belgique au XIXème siècle).

Candidat en philologie et histoire orientales, Institut de Philologie et Histoire Orientales (orientation Egyptologie), Université Libre de Bruxelles, avec grande distinction.

Actuellement, Professeur au Département d’Histoire, Arts et Archéologie à l’ULB (Chaire de protohistoire).

LECON INAUGURALE : "Quelques aspects méconnus de la Campagne d’Egypte de Napoléon Bonaparte"
Elle se tiendra le mercredi 13 mars 2019 à 19h00
à l'auditoire La Fontaine (ULB, 87A, Avenue Buyl, 1050 Bruxelles, Campus du Solbosch, Bâtiment K, auditoire K.1.105) PLAN

Inscription gratuite et obligatoire via le lien suivant : cliquez ici
Clôture des inscriptions le 6 mars 2019

Lorsque l’armée de Bonaparte débarque à Alexandrie, elle investit la terre du premier savoir, de la première sagesse. Pour les nombreux francs-maçons qui en font partie, autant des officiers que des savants, il s’agit presque d’un retour aux sources. Si l’Egypte est en effet depuis longtemps l’objet de spéculations ésotériques, elle deviendra à la Révolution française la terre-mère de la religion universelle de la Nature, incarnée par la déesse Isis. Ainsi lors de la « Fête de la Régénération » le 10 août 1793, une fontaine est érigée sur les ruines de la Bastille, surmontée d’une statue d’Isis assise représentant, d’après un témoignage de l’époque « notre mère commune, la Nature, press[ant] de ses fécondes mamelles la liqueur pure et salutaire de la régénération ». Toutes les religions, tous les cultes trouvent leur berceau en Egypte où fleurit la religion primordiale de la Nature et des Astres : la théogonie égyptienne ne devient pas, comme le prétend Hubert Mogès, un instrument d’athéisme, mais un argument dans la lutte contre les dogmes catholiques. Sa science serait toutefois cachée derrière le symbolisme des hiéroglyphes, dont le déchiffrement permettra de retrouver Isis sans voiles. Vivant Denon, « l’œil de Napoléon », ne connaît en Egypte de plus grande émotion que celle qu’il ressent à la découverte de son premier rouleau de papyrus. « Je ne savais que faire de mon trésor, tant j’avais peur de le détruire, écrit-il; je n’osais toucher à ce livre, le plus ancien des livres connus jusqu’à ce jour; […] sans penser que l’écriture de mon livre n’était pas plus connue que la langue dans laquelle il était écrit, je m’imaginai un moment tenir le compendium de la littérature égyptienne, le thot enfin ».
 

Après la signature du Concordat entre Bonaparte et Pie VII, les cultes rationalistes ou panthéistes de l’époque révolutionnaire disparaissent toutefois, et les références égyptiennes ne seront dès lors plus tolérées, du moins dans les endroits de culte, et plus particulièrement dans les églises catholiques. Les francs-maçons connaissent par contre une sorte de fuite en Egypte et de nombreux auteurs maçons adopteront la thèse de l’origine égyptienne de la franc-maçonnerie. 

Les autres leçons seront données dans le cadre du cours "Histoire de la Franc-Maçonnerie" :

!!! ATTENTION CHANGEMENT DE LOCAL !!!

20 mars 2019 (leçon 2) : « Le patrimoine architectural de la Franc-Maçonnerie belge : à la recherche d’une Egypte perdue »
27 mars 2019 (leçon 3) : « Le patrimoine funéraire des francs-maçons : l’Orient Eternel sera égyptien »
3 avril 2019 (leçon 4) : « Eugène Goblet d’Alviella et les religions de l’Egypte : les racines maçonniques de l’enseignement de l’Egyptologie en Belgique »
24 avril 2019 (leçon 5) : « Les sources égyptiennes de la Franc-Maçonnerie : mythes et réalités »

Les conférences auront lieu le mercredi de 19h à 21h, à l'auditoire UA2.118 (Auditoire Henriot), 17 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles

Leçon 2 : "Le patrimoine architectural de la Franc-Maçonnerie belge : à la recherche d’une Egypte perdue"

La Belgique se couvre, à la fin du XIXe et au début du XXe siècles de temples maçonniques habillés à l'égyptienne, celui des Amis Philanthropes, rue du Persil à Bruxelles, récemment restauré, passant pour un modèle du genre. Le grand soin apporté à leur décoration, la mise en oeuvre par les peintres décorateurs de sources égyptologiques, montre le souci du détail archéologique, témoigne d'une démarche qui se veut cohérente. L'unité du décor réside toutefois dans sa cohérence visuelle, et non intellectuelle, puisque partout les peintres et stucateurs puisent à des sources très diverses, voire contradictoires pour un égyptologue du moins. En effet, les images sont empruntées indifféremment aux temples et aux tombes, dans les créations du Nouvel Empire et de l'époque gréco-romaine.

La démarche des Francs-maçons ne diffère pas fondamentalement de celle de peintres comme Edwin Long ou Lourens Alma-Tadema, ou de décorateurs de théâtre comme Philippe-Marie Chaperon et Edouard Dupéchin. La décoration d'une loge maçonnique n'est rien d'autre qu'une mise en scène, d'ailleurs, et le cadre choisi n'est pharaonique qu'en conséquence de l'intérêt des Francs-maçons pour leurs origines les plus lointaines.

« Dans l'hypothèse de la maçonnerie procédant de corps de métier, affirmait-on, le premier idéal des francs-maçons a dû être placé dans l'art plutôt que dans aucun autre domaine de l'intelligence ».

Ainsi les anciens Egyptiens pouvaient passer pour des Frères, car, comme le dit si bien Roland Tefnin,  ils « avaient compris aussi qu'intelligence et poésie, raison et sensibilité intimement liées, offraient la seule possibilité, pour l'homme, de comprendre quelque chose au mystère et à la beauté du monde ».

Leçon 3 : "Le patrimoine funéraire des francs-maçons : l’Orient éternel sera égyptien"

«La question des inhumations est le corollaire évident de la liberté de conscience. Qu’importerait, en effet, qu’un homme eût vécu en libre-penseur, si, à l’heure de sa mort, il était contraint de renier ses convictions pour épargner à sa dépouille mortelle les outrages qu’un clergé fanatique ne manquerait pas de lui infliger ? La franc-maçonnerie comprit qu’il fallait à tout prix restituer à l’autorité civile la police des cimetières ».  La question, formulée par Oscar Hennebert il y a une bonne centaine d’années, se pose en termes d’éthique, bien entendu, mais nous verrons qu’elle amène aussi une réflexion formelle. Les francs-maçons ne choisiront pas les mêmes monuments funéraires que les chrétiens, catholiques comme protestants, et il n’est évidemment pas fortuit qu’ils opteront souvent pour le néo-égyptien, typique des loges contemporaines.

Comme le Belge ne semble pas particulièrement enclin à faire des dépenses somptuaires dans le domaine du monument funéraire –il ne s’intéresse pas à sa Maison d’éternité malgré les concessions à perpétuité-, nous ne trouvons toutefois en Belgique beaucoup de grands monuments. Quelques édicules néo-gothiques ou néo-classiques se rencontrent occasionnellement, mais les « chapelles » égyptiennes sont pratiquement absentes de nos cimetières. Il n’y a pas de constructions aussi complexes, aussi recherchées en Belgique, que celles que recèlent les cimetières français (à Paris, à Toulouse, etc.), espagnols (à Barcelone, à Cartagena, etc.) ou italiens (à Gênes, à Turin, etc.), que nous nous ferons un plaisir de visiter avec les auditeurs.

Pour la Belgique, nous présenterons notre collection d’obélisques, confirmant cependant que, durant tout le XIXe siècle, en Belgique, la chose égyptienne est très souvent aussi chose maçonnique. Avec la démocratisation progressive des voyages en Egypte, avec les acquis spectaculaires de l’égyptologie, cela va bien vite changer, et l’égyptomanie va se vider de sens.

Leçon 4 : Eugène Goblet d’Alviella et les religions de l’Egypte : les racines maçonniques de l’enseignement de l’égyptologie en Belgique

Eugène Goblet d’Alviella (1846-1925) est un personnage-clé par les différentes fonctions qu’il a pu occuper à l’Université Libre de Bruxelles, mais aussi dans la Franc-Maçonnerie, au Grand Orient et au Suprême Conseil de Belgique. Franc-maçon convaincu, il occupera le Trône de Vénérable Maître des Amis Philanthropes et des Amis Philanthropes n° 2, dont il est fondateur.

Il sera professeur, d’abord en Faculté de Philosophie et Lettres, où il donne, dès l’année académique 1884-1885, son cours d’histoire des religions, puis au département de l’Enseignement des sciences sociales. Il sera recteur pendant les années académiques 1896-1897 et 1897-1898, donc juste après la crise (« l’affaire Reclus ») qui mènera à la création de l’Université nouvelle. Le cours d’histoire des religions est le premier dans notre pays et sera longtemps le seul de son genre, c’est aussi le premier cours universitaire en Belgique dans lequel il est question de religion égyptienne. Compilateur plutôt qu’innovateur, il est à l’aise dans le comparatisme typique de l’époque, et s’attache à « décrire successivement toutes les religions particulières et d’en retracer le développement respectif ».

Le cours d’Histoire des religions d’Eugène Goblet d’Alviella marque véritablement un tournant. Il offre, pour la première fois dans une université belge, une introduction à la religion, mieux, à la civilisation égyptienne pharaonique. Autour du Grand Commandeur, dans les revues qu’il dirige, immédiatement, des articles de valeur vont fleurir : ceux d’Emile Coemans d’abord, de Jean Capart ensuite. Le milieu intellectuel bruxellois, libéral et, souvent, franc-maçon, est enfin mûr pour l’égyptologie. Il lui aura fallu, d’abord, une tribune universitaire : il lui aura fallu, surtout, un homme qui l’occupât toute entière. Eugène Goblet d’Alviella est l’homme d’un premier bilan, au moment des premières synthèses, celles de Gaston Maspéro, dont il est correspondant fidèle.

Leçon 5 : Les sources égyptiennes de la Franc-Maçonnerie : mythes et réalités

La franc-maçonnerie à la fin du XVIIIe et au début du XIXe connaît deux courants majeurs, rationaliste et progressiste d’une part, mystique voire occultiste d’autre part. Pour les premiers, bien sûr, le passé annonce le présent, qui contient l’avenir menant à l’Âge d’Or. Pour les seconds, l’avenir doit être envisagé comme un retour au commencement du temps, le passé du passé, qui est l’Âge d’Or.  L’initié en loge occultiste cherche donc à se rapprocher des origines, des ancêtres qui « voyaient Dieu face à face », « en jouant à vivre comme on vivait il y a plusieurs milliers d’années. Et là, ajoute Beresniak, dans cette loge, à l’abri des temps, il explore les soubassements du Temple, part à la recherche des cavernes obscures où s’abrite la Parole Perdue ». L’art des premiers bâtisseurs, c’est l’architecture égyptienne, les tenants de la première sagesse, ce sont les prêtres égyptiens. Lorsque la Commission des Sciences et Arts débarque à Alexandrie, bon nombre de ses membres sont à la recherche de cette Parole Perdue, et certains, sans doute, croyaient pouvoir la trouver dans les souterrains de Giza. Ils pensaient avec Court de Gébelin, avec Cagliostro, que les constructeurs des pyramides parlaient toujours la langue adamique ou noachique, que dans leurs caveaux les prêtres étaient initiés au grand mystère des origines. La déception dut être grande de n’y trouver le moindre hiéroglyphe, le moindre emblème, la moindre trace de cette langue des premiers hommes. Mais vient alors la découverte des zodiaques de Dendera et d’Esna, dans lesquels on pense lire des dates si hautes, que l’édifice chronologique biblique s’en trouve ébranlé.

Quoi qu’il en soit, c’est le « Sethos » de Jean Terrasson, qui par son texte et par les images, aura donné la forme et la couleur, égyptiennes, à bien des pratiques et décors maçonniques du XVIIIe siècle, puis du XIXe siècle, après avoir inspiré le fond et la forme de « La Flûte enchantée » de Wolfgang Amadeus…

« Quiconque aura fait ces voyages »… La boucle est bouclée et des faux mystères antiques, modelés sur de vrais mystères maçonniques, deviennent de vrais mystères antiques.
 

Plus d’information :  com.philoscsoc@ulb.ac.be
 

Conférence organisée par la Faculté de Philosophie et Sciences sociales de l’ULB avec le soutien du Centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité (CIERL) et du Grand Orient

Date(s)
Du 13 mars 2019 au 24 avril 2019
Lieu(x)
Campus du Solbosch